Le service de garde avec de fortes restrictions pour le travailleur constitue du temps de travail

Le service de garde avec de fortes restrictions pour le travailleur constitue du temps de travail. Attention aux services de garde assortis de modalités strictes.

Le service de garde avec de fortes restrictions pour le travailleur constitue du temps de travail. Attention aux services de garde assortis de modalités strictes.

Les services de garde « à domicile », également connus sous le nom de « services de garde sous régime d’astreinte », ont déjà fait couler beaucoup d'encre. Il s'agit d’un service de garde dans le cadre duquel le travailleur ne doit pas être présent à un endroit déterminé, mais peut être appelé par son employeur pour fournir des prestations. Pensez, par exemple, aux techniciens qui peuvent être appelés à effectuer des réparations urgentes chez des clients. La jurisprudence sur cette question a évolué, notamment sous l'influence de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.

Jusqu'en 2018, la Cour établissait une distinction claire entre, d'une part, les services de garde au sein de l’entreprise, qui constituent du temps de travail à part entière, et, d'autre part, les services de garde sous régime d’astreinte durant lesquels le travailleur ne doit pas se trouver à un endroit précis mais doit être joignable, qui ne constituent pas du temps de travail.

Dans la pratique, l’évaluation semblait donc simple. Un service de garde au cours duquel le travailleur ne doit pas se trouver à un endroit déterminé mais doit simplement être joignable, ne constitue pas du temps de travail, même si le travailleur doit, par exemple, commencer à travailler dans un délai de réaction court. Ce type de service de garde ne doit en principe pas être rémunéré, bien qu'une prime soit généralement versée à titre d'incitant. La prestation effective pendant un tel service de garde sous régime d’astreinte constitue bien entendu du temps de travail, qui doit être rémunéré.

Bon nombre d'entreprises ont organisé des services de garde en tenant compte de cette jurisprudence.

En 2018 (arrêt Matzak), cette position a été quelque peu nuancée. Des arrêts rendus par la suite montrent que la CJUE a développé un point de vue différent sur ces « services de garde sous régime d’astreinte ». La CJUE ne se prononce plus sur la question de savoir si ces services de garde doivent être considérés comme du temps de travail ou non, mais identifie une série de critères que la juridiction nationale peut prendre en compte dans son évaluation. Le point de départ est désormais qu'un tel service de garde ne constitue pas du temps de travail, sauf si le service de garde est organisé de telle manière qu’il affecte objectivement et significativement la faculté du travailleur à exercer des activités privées pendant ce service de garde. Il s'agit d'une appréciation globale. Il faut tenir compte des contraintes imposées au travailleur, y compris le délai de réaction pour reprendre le travail, le nombre et la durée des interventions, etc.

Cette jurisprudence de la CJUE a depuis été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation. Dans son arrêt du 21 juin 2021, la Cour de cassation a estimé que le service de garde doit être qualifié de temps de travail « lorsque l'employeur impose des contraintes qui limitent d’une manière objective et très significative la liberté du travailleur pendant cette période ».

Dans un arrêt plus récent du 13 novembre 2023, la Cour de cassation a estimé que les services de garde durant lesquels les travailleurs doivent être disponibles en permanence et sont soumis à des contraintes majeures, constituent du temps de travail et doivent donc être rémunérés. Toutefois, la Cour de cassation a explicitement considéré qu'une rémunération différente pouvait être prévue pour les services de garde. Selon la Cour, l'application d'une rémunération différente est possible lorsque la nature du travail est différente, ce qui est clairement le cas pour les services de garde. En effet, il existe des services de garde pendant lesquels le travailleur n’effectue aucune prestation effective, et ceux-ci peuvent être rémunérés différemment. Les minima sectoriels doivent évidemment toujours être respectés.

Compte tenu de cette jurisprudence, il est utile d'examiner d'un œil critique les modalités des services de garde existants. Y a-t-il un risque qu'ils soient considérés comme du temps de travail dans leur intégralité, par exemple parce qu'un délai de réaction très court est imposé ou parce que les interventions sont très nombreuses ? Dans l'affirmative, veillez à ce que l'organisation soit adaptée de manière à ce que les modalités des services de garde laissent suffisamment de place au travailleur pour qu'il puisse se consacrer à ses propres intérêts pendant le service de garde. En effet, la requalification ultérieure du service de garde en temps de travail a des conséquences (financières) importantes et doit donc être évitée.

Julie De Maere, avocate – Senior Associate, Claeys & Engels

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