Loi européenne relative à la restauration de la nature : quel impact sur votre projet ?

La « Loi européenne relative à la restauration de la nature », adoptée en juin 2024, est un règlement historique qui, pour la première fois, fixe des objectifs juridiquement contraignants pour la restauration de la nature et des écosystèmes au sein de l'Union européenne.

Pendant longtemps, il a semblé que la loi européenne sur la protection de la nature n'aboutirait pas. Un revirement soudain de la ministre autrichienne de l'Environnement, Leonore Gewessler, a néanmoins permis de l'adopter en fin de législature. La « Loi européenne relative à la restauration de la nature »[1], adoptée en juin 2024, est un règlement historique qui, pour la première fois, fixe des objectifs juridiquement contraignants pour la restauration de la nature et des écosystèmes au sein de l'Union européenne. Cette loi vise à inverser le déclin de la biodiversité et à promouvoir des écosystèmes sains et résilients.

Contenu de la Loi relative à la restauration de la nature

Ce règlement impose aux États membres divers objectifs et obligations en matière de restauration :

  • Mesures de restauration des zones terrestres et marines :
    • D'ici 2030, des mesures de restauration devront avoir été prises sur au moins 30 % de la superficie totale des types d'habitats qui ne sont pas en bon état.
    • D'ici 2040, ce pourcentage devra être porté à 60 %, et d'ici 2050 à 90 %.
    • Les États membres peuvent exclure les types d'habitats communs et répandus des objectifs de restauration s'ils couvrent plus de 3 % de leur territoire. Toutefois, d'ici 2050, des mesures de restauration devront avoir été prises sur au moins 80 % de ces sites exclus.
    • Des exceptions sont prévues pour la planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables et pour la défense nationale. Ces deux domaines sont, en effet, considérés comme présentant un intérêt public important.
  • Protection des populations de pollinisateurs
    • Des mesures spécifiques doivent être prises pour protéger et restaurer les populations de pollinisateurs, compte tenu de leur rôle crucial dans les écosystèmes et la productivité agricole.
    • Cela inclut notamment l'amélioration des habitats des pollinisateurs, tels que les prairies riches en fleurs et diverses espèces d'arbres.
  • Mesures spécifiques aux écosystèmes
    • La loi prévoit également des mesures spécifiques pour différents écosystèmes, tels que les forêts, les zones humides, les rivières, les lacs et les paysages agricoles, étant par exemple la restauration de la connectivité naturelle des rivières et des écosystèmes agricoles.
    • Des indicateurs tels que le stock de carbone organique dans le sol des écosystèmes forestiers et la diversité des espèces d'arbres sont établis et suivis.
  • Plans nationaux de restauration
    • Les États membres doivent élaborer et mettre en œuvre des plans nationaux de restauration, comprenant des objectifs et des mesures spécifiques pour atteindre les pourcentages fixés d'ici 2050.

Notons que la force majeure, y compris les catastrophes naturelles et les transformations inévitables de l'habitat résultant directement du changement climatique, exclut certaines obligations, certes en dehors des zones Natura 2000[2].

Enfin, l'engagement commun de l'Union de planter 3 milliards d'arbres supplémentaires d'ici 2030 mérite certainement d'être mentionné.

Les États membres aux commandes

La Loi sur la restauration de la nature confie aux États membres la responsabilité d'atteindre les objectifs de restauration. Cela signifie que chaque État membre doit élaborer et mettre en œuvre ses propres plans de restauration nationaux. Ces plans doivent détailler les mesures qui seront prises pour atteindre les objectifs fixés.

L'accent qui est mis sur les plans nationaux implique que la Loi n'impose pas directement d'obligations aux citoyens ou aux entreprises. Dans un premier temps, l'impact sur les individus sera limité, car la responsabilité incombe principalement aux gouvernements.

Bien que la Loi sur la restauration de la nature n'impose pas, dans un premier temps, d'obligations directes aux particuliers, elle a, en tant que règlement européen, un effet à la fois vertical et horizontal, sous certaines conditions. L'effet vertical signifie que la loi peut créer des droits et des obligations entre les particuliers et les pouvoirs publics. L'effet horizontal signifie que ces droits et obligations peuvent également s'appliquer entre individus.

En pratique, cela signifie qu'au fur et à mesure que les plans de restauration progressent et deviennent plus concrets, il n'est pas inconcevable que des situations se présentent dans lesquelles les individus devront se conformer à certaines obligations, qu'elles soient appliquées par des associations environnementales ou non. Par exemple, les propriétaires de terrains situés dans des zones désignées pour la restauration pourront être confrontés à des restrictions ou à des obligations de mettre en œuvre des mesures de restauration spécifiques. Cela est particulièrement vrai si les projets sont situés à proximité de zones Natura 2000, qui subissent déjà de fortes pressions d’azote.

Bien entendu, en application de la Loi sur la restauration de la nature, les gouvernements nationaux et régionaux peuvent imposer certaines mesures légales pour renforcer ou sauvegarder les plans de restauration de la nature, ce qui peut également, en droit interne, entraîner des obligations directes pour les particuliers.

Impact sur les zones urbaines et permis pour des projets concrets

La Loi sur la restauration de la nature accorde une attention particulière à l'impact sur les écosystèmes urbains. Les villes et communes joueront un rôle crucial dans l'augmentation et la préservation des espaces verts. Ceci peut avoir des conséquences directes sur la manière dont les villes et les communes gèrent l'autorisation de nouveaux projets et la conception d'espaces verts.

Voici quelques obligations spécifiques concernant les zones urbaines :

  • D'ici 2030, il ne peut y avoir de perte nette d'espaces verts urbains et de couvert végétal urbain par rapport à 2024, sauf si la zone urbaine compte déjà 45 % d'espaces verts et que la proportion de couvert végétal urbain est supérieure à 10 %.
  • À partir du 1er janvier 2031, une tendance à l'augmentation des espaces verts urbains doit être réalisée, et ce via l'intégration d’espaces verts urbains dans les bâtiments et les infrastructures.
  • Il devra y avoir une augmentation de la surface couverte d'arbres dans les villes.

Remarquons que la Loi sur la restauration de la nature fait référence à la « surface totale nationale des espaces verts urbains et du couvert arboré urbain». Cela signifie que la charge peut être inégalement répartie entre les zones urbaines.

Quelle que soit la répartition, ces obligations encourageront les villes à préserver et à étendre les espaces verts, ce qui pourrait avoir une incidence sur la planification urbaine et l'approbation des permis d’environnement. Les nouveaux projets pourraient devoir répondre à des exigences plus strictes pour minimiser l'impact sur les espaces verts urbains, par exemple en compensant immédiatement la perte d'espaces verts (avec ou sans facteur d'augmentation). Cela pourrait avoir un impact significatif sur le financement des projets et accroître l'importance des projets de reconversion.

Conclusion

La Loi européenne relative à la restauration de la nature constitue une étape ambitieuse vers la restauration des écosystèmes européens. Grâce à des objectifs de restauration contraignants et à des plans de restauration nationaux, les États membres devront contribuer à inverser le déclin de la biodiversité. Bien que la loi n'impose pas initialement d'obligations directes aux particuliers, de telles obligations pourraient émerger au fil du temps, notamment lorsque les plans de restauration deviendront plus concrets.

Dans les zones urbaines, la loi aura un impact significatif sur la gestion des espaces verts et l'autorisation de nouveaux projets. Il est clair que la loi sur la restauration de la nature aura des implications étendues, tant au niveau national que local, et qu'elle jouera un rôle crucial dans la protection et la restauration de la nature en Europe.

Le règlement est entré en vigueur le 18 août 2024 et est contraignant pour tous les États membres. Depuis cette date, les États membres disposent de deux ans pour préparer et soumettre leurs plans de restauration de la nature à la Commission européenne. Au fur et à mesure que les plans de restauration de la nature deviendront plus détaillés, l'impact sur les projets sera plus manifeste.

Bob Martens, Alec Van Vaerenbergh, Birgit Creemers et Fien Wuyts


[1] Titre complet: Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la restauration de la nature et modifiant le règlement (UE) n° 2022/869.

[2]   Les objectifs des sites Natura 2000 en vertu de la Directive « Habitats » restent par ailleurs inchangés. La Loi sur la restauration de la nature est effectivement alignée sur la Directive « Habitats ». Ainsi, les plans nationaux de restauration doivent tenir compte des mesures de conservation établies pour les sites Natura 2000. La Loi sur la restauration de la nature va, en réalité, plus loin que la Directive  « Habitats » car les zones situées en dehors de Natura 2000 y sont également visées.

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